Chronique Martiale sur l’Eveil par Henry Plée (10ieme Dan Karate)

Cette chronique, publiée dans le Karate Bushido de Juillet/Août 97 a complètement changé ma vision des arts martiaux et du coup de ma pratique personnelle. Elle a eu l’effet d’une véritable “gifle” et a été vraiment le début d’une longue recherche et d’une “nouvelle” vie pour moi. Je remercie Henry Plée pour son aimable autorisation de publication sur ce site.
J’espère qu’elle vous apportera autant qu’elle m’a apporté!
Franck BLOT,
Webmaster de LesArtsMartiaux.com

La promesse de l’aube.

Bien qu’apparemment très ésotérique, philosophique ou religieuse, vous choisirez le mot qui vous convient, cette Chronique est susceptible d’être extrêmement importante pour votre progression en Art Martial et pour votre évolution personnelle, en supposant que vous pensiez curieusement, que ce soit deux domaines distincts. Comme si manger et boire n’avaient pas le même but vital et que l’on puisse négliger l’une de ces deux nécessités sans conséquences graves pour notre vie (j’aurais bien choisi les deux nécessités qui vous font aller aux toilettes, où l’on ne peut supprimer l’une des deux… nécessités sans en mourir, mais on m’aurait encore dit que l’exemple manquait de classe pour un “haut gradé”, pourtant l’analogie était meilleure et le grade n’a rien à y voir).

Il fut un temps où l’Art Martial était supposé avoir pour but principal la défense personnelle. Puis on parla beaucoup de l’Eveil (le Satori en japonais) et du Zen (“soyons Zen”). C’était le temps où les livres sur l’Eveil et le Zen se comptaient sur les doigts d’une seule main: “Zen Amour Mystique” d’Adams Beck, “Essai sur le Bouddhisme Zen” de D.T. Suzuki (3 tomes gratuits par René Daumal!), et “le Zen dans l’Art du Tir à l’Arc” d’Herrigel (qui, écrit il y a 60 ans, se vend encore comme des petits pains macrobiotiques).
Malgré ou à cause de la rareté des textes sur le “do”, il était rare qu’un pratiquant d’Art Martial ne cherche pas à comprendre ce que pouvait bien être l’Eveil, pourquoi l’Eveil, comment obtenir l’Eveil, etc. La Libération ne concernait que les pratiquants de Yoga et quelques sectes. Personne ne disait, à l’époque, que la libération ne pouvait être obtenue sans Eveil préalable. Encore une mystification.
L’exemple du Chi-Kong

Pour la masse des pratiquants, comme vous pouvez le constater à la lecture des revues et des ouvrages qui sont publiés à vitesse accélérée, la tendance actuelle n’est plus trop l’Eveil en tant que voie pour atteindre la maîtrise de soi, la sérénité, la sagesse et l’efficacité en tout. Bien qu’il soit encore classique d’insister – pour diverses raisons – sur le “do” qui suit Ju, Aiki, Iai, Karaté, ken, Kyu, il semblerait que l’on ait renoncé à s’éveiller. On en parle, mais on ne fait rien pour.
La tendance est d’être efficace par des exercices physiques plus que mentaux. La mode des exercices de Chi-kong est significative. Négligeant le fond, il était normal que l’on s’intéresse à la surface ou, si vous préférez (en tout cas, moi je préfère) que l’on s’intéresse plus à l’aspirine qu’à la cause du mal de tête.
Le chi-kong est une technique millénaire chinoise, taoïste (alchimie interne de longue vie), inspirée du Yoga indien (qui recherchait et recherche encore autre chose que la longue vie). Bien que l’on mystifie volontiers sur le Chi, le Chi-kong, n’a rien de fantaisiste. Mais, ce que l’on oublie souvent, c’est qu’il est surtout indiqué lorsque l’on est mal dans sa peau et dans sa tête. Et qu’il existe d’autres exercices du même ordre, comme la relaxation et la sophrologie, qui eurent également leur mode. Mais (on va hurler mais tant pis, j’ai l’habitude) ce que l’on obtient par les exercices de Chi-kong on peut l’obtenir également par la relaxation ou la sophrologie et plus facilement et plus sûrement – par l’ingestion ou l’injection de certaines molécules (médicaments, drogues, etc…).
Il est exact qu’après des exercices de Chi-kong, de relaxation, de sophrologie, on se sent bien, parfois même, “on plane”, je le sais parce que j’ai longuement pratiqué les trois avec un vif intérêt mais ça ne dure que ce que met une rose pour se faner, comme aurait dit Ronsard (qui n’était pas un idiot puisqu’il se trouve avant Rousseau dans le Petit Larousse… aurait dit Desproges).
Autrement dit, ça passe et il faut recommencer, de plus en plus, car on s’y accoutume et l’on devient accro. Ce n’est pas particulier au Chi-kong, il en est de même pour les entraînements martiaux ou pour le banal jogging. Par contre, et ça c’est important, ne perdons pas de vue qu’aucune injection ou ingestion de quoi que ce soit, ne peut nous apporter de la technique martiale ni provoquer l’Eveil de façon permanente.
Pour l’Art Martial, il existe des “drogues” qui survoltent et rendent momentanément hyper-violent, donc efficace (on a en même usé et abusé dans les compétitions avant les contrôles), mais un guerrier doit être toujours prêt. Il existe également des alcaloïdes provoquant des états de conscience modifiés, pouvant parfois être confondus avec un Eveil provisoire (champignons hallucinogènes, L.S.D., Ecstasy par exemple), mais ce ne sont là que des moyens de favoriser les hallucinations et les rêves éveillés, donc juste l’inverse de l’Eveil. Et au bout du compte, on paye très cher, souvent de sa vie, ces moments de délire ou d’extase.
L’Eveil c’est tout autre chose. Il y a longtemps que je pensais pouvoir rendre service en disant à mes lecteurs (devenus amis) ce qu’est l’Eveil, en quoi et pourquoi on le mystifiait. Mais j’hésitais. Sachez que je m’y risque aujourd’hui avec beaucoup de déplaisir, sinon de gène. Pourquoi? Parce que l’on a habituellement une idée complètement fantaisiste de ce qu’est l’Eveil.
Première confusion classique: on a tendance à considérer l’Eveil comme une finalité alors que ce n’est qu’un début. Tout comme la Ceinture Noire 1er dan n’est pas (normalement) un aboutissement, mais le début de la compréhension de l’Art. En Art Martial, c’est quelque chose comme le franchissement d’un pont entre le monde ordinaire et le monde des hommes de talent. En Eveil, c’est le franchissement d’un pont entre le monde de la brousse et le monde de la “libération”. L’Eveil est le pont, ou la porte.
Qu’est-ce alors que l’Eveil? L’Eveil est le stade sans lequel aucune libération n’est possible. Si la libération n’est pas à la portée de tous (je dirai plus loin pourquoi), par contre l’Eveil l’est, et ce qu’il apporte est déjà remarquable. Il est même largement suffisant pour réussir sa vie. Jamais on ne l’a dit, autant que je sache. Deuxième confusion: on ne voit habituellement pas clairement ce que sont Libération et Eveil. On confond allègrement les deux. On pense que ce sont une seule et même chose or ce n’est pas le cas, comme je l’ai expliqué plus haut.
La grande majorité des lecteurs est loin d’être composée de pauvres idiots comme disent ceux qui ne lisent pas. Il serait temps, peut être, de démystifier l’Eveil et la Libération. D’autant que dans ce domaine, je ne risque pas de casser la baraque aux Sensei opportunistes qui, de génération en génération martiale, suivent ou lancent des modes pour gagner leur vie.
Mais, revenons à nos moutons. Une constatation s’impose. Pour les choses très simples et très naturelles, pourquoi faut-il qu’il soit “traditionnel” de compliquer les explications à un point tel que l’on finit toujours par croire la chose en question comme inaccessible au commun des mortels?
C’est le cas pour l’Eveil et la libération.
Il faut le dire et le redire: “L’Eveil” est à la portée de tous (c’est absolument certain) sauf de ceux qui se surestiment, car ils se créent des blocages insurmontables. Et, comme nous nous surestimons pratiquement tous… l’Eveil est rare.

Pourquoi l’Eveil n’a-t-il rien d’extraordinaire?

Il n’est pas extraordinaire parce que ce n’est pas quelque chose de miraculeux. Ce qui est miracle, détestable miracle, c’est le fait que tant d’Hommes (et sur 100% d’Hommes, il y a environ 50% de femmes) passent leur vie à se plaindre de leur sort, sans comprendre que l’apparence ce n’est rien d’autre que la réalité mal perçue. Combien d’Hommes se tracassent pour l’avenir, combien se demandent ce qu’ils doivent faire ou ne pas faire, ignorant qu’il n’existe pas d’avenir de la façon dont ils le conçoivent, ignorant que le temps de l’Univers matériel est, au même titre que son espace, une étendue actuelle.
L’humoriste Bedos disait dans un de ses sketches, après une élucubration pleine de vérités dont il est coutumier :” je ne vais pas vous donner d’explications, parce que donner des explications, c’est prendre les gens pour des cons” et, après un silence pendant lequel il regardait la salle en serrant les lèvres, il ajoutait au milieu des rires: “bon j’explique!”
Je vais donc expliquer.
Comme il n’y a que les cons qui pensent avoir tout compris avec une seule lecture, puisque le sujet est grave, vous n’aurez qu’à relire plusieurs fois. Bon. On y va. Bouddha, Sidartha Gautama, a prouvé que l’on pouvait trouver en soi la libération par l’Eveil (“Bouddha” est le mot sanskrit qui signifie “L’Eveillé”. Pour l’anecdote historique, il trouve l’Eveil à Bodh-Gaya, vers 520 avant J.C., c’est là qu’il comprit quels renoncements il fallait consentir pour qu’éclose l’Eveil)
L’Eveil n’est pas une métaphore fumeuse, ni quelque fantastique réalisation de l’esprit humain. L’Eveil c’est tout simplement être éveillé au sens propre du terme, mentalement et physiquement. Dire que l’Homme vit dans une sorte de sommeil (ou un rêve) n’est pas nouveau. Depuis des millénaires l’expérience montre que presque toujours, l’Homme qui estime être éveillé se trouve, en réalité du matin au soir, dans un état de sommeil hypnotique léger mais réel (y compris ceux qui réussissent dans certaines spécialisations, où exceptionnellement, ils ont trouvé une forme d’Eveil, disons plus justement, “une forme d’attention”).

Pourquoi l’Eveil est-il si difficile à réaliser?

Si l’Eveil est si difficile à réaliser, c’est essentiellement parce que l’être humain fait de la complexité des pensées, de la raison, une vertu, un mérite, un sujet de fierté. Comme, peut-être, le grand cerf se fait un mérite de ses bois démesurés sur son crâne, qui la plupart du temps gênent son existence.
La comparaison est si vraie, que l’on retrouve souvent des cerfs morts, les bois emmêlés dans des branches et parfois dans les bois d’un autre cerf (avec qui il avait combattu pour la conquête d’une biche). Nos sujets de fierté peuvent également nous conduire à la mort.
Notre civilisation moderne, ayant privilégié l’hémisphère gauche du cerveau (qui tient sous sa dépendance le langage, l’analyse, les aspects numériques, la logique) a toujours considéré comme “fou” ce qui n’est pas verbalisé, analysé, expliqué. Ce qui a bloqué l’hémisphère droit (qui perçoit et comprend les émotions, les relations spatiales, traite en silence les informations de façon synthétique et a une connaissance plus intuitive qu’analytique, c’est de lui que viennent les intuitions fulgurantes). Comme c’est par l’hémisphère droit que l’Homme parvient à la perception d’une transcendance, il n’est pas étonnant que l’Eveil soit moins recherché en Occident qu’en Orient où, depuis des millénaires, on a associé le Verbe au cerveau gauche (Yang) et l’Esprit au cerveau droit (Yin).
L’idéal pour créer les conditions favorables à l’Eveil, étant bien entendu le mariage entre les deux hémisphères.
Pour se mettre en condition d’Eveil, avec ce que l’on sait maintenant sur les deux hémisphères, on comprend que les contraires sont complémentaires, ou si vous préférez que Yin et Yang sont liés et que, pour cette raison, au-delà de l’apparence, trompeuse, intrinsèquement ils se ressemblent.
Ainsi en est-il de l’Eveil, et du sommeil: la volonté ne peut provoquer la venue ni de l’un ni de l’autre.
Efforcez-vous le soir d’appeler le sommeil: il vous fuira. Si vous voulez qu’il vienne, il conviendra de ne plus penser à lui mais de prendre une attitude physique et mentale favorisant la venue du sommeil. Ainsi en est-il de l’Eveil.

Le problème est qu’il n’y a pas de problème.

Tout le problème est là. Le problème est même qu’il n’y a pas de problème. Le problème n’existe que parce que, stupidement, nous ne prenons pas l’attitude physique et mentale qu’il faut pour favoriser la venue de l’Eveil, pour avoir une conscience objective (le plus magnifique but que l’on puisse avoir).
Pratiquement, puisque dans notre état hypnotique d’endormi-vaniteux nous percevons forcément le monde extérieur de façon subjective, nous agissons et réagissons pratiquement tout le temps subjectivement. C’est la raison du “à chacun sa Vérité”, que nous constatons chaque jour tout en cherchant à imposer la nôtre à… un endormi. Une conversation entre abonnés absents.
Si vous ne voyez pas très bien les inconvénients de la subjectivité pour réussir votre vie, par contre vous devriez voir immédiatement les inconvénients de cette subjectivité en assaut martial.
En combat martial, ce n’est pas ce que vous croyez subjectivement qui rend votre action efficace, c’est ce qui se passe réellement. D’où la recherche de vérité. Ce qui n’est qu’un autre terme pour exprimer la recherche d’Eveil (le do des Budo, et tao en chinois).
On voit pourquoi et comment, à chaque chute ou à chaque coup ou à chaque défaite, un Art Martial peut devenir un moyen de prendre conscience de notre subjectivité congénitale.
On comprend aussi le risque évident de plonger un peu plus dans le sommeil si, sous divers prétextes, on évite les moments de vérité que sont les combats (combats ne signifie pas forcément compétitions).
Il est douteux qu’un Art Martial virtuel, sans épreuves, puisse réellement nous permettre de prendre conscience de l’importance de l’Eveil et nous faire comprendre ce qu’apporte la libération. Ce n’est pas dans ma nature, mais il serait déraisonnable d’être catégorique. Apres tout pourquoi pas.
Comme à ce stade de lecture vous pouvez être irrités par tout ce que je viens de dire avec une autorité intolérable, et attendu qu’à votre place et à votre âge j’aurais probablement eu la même réaction, ce qui pourrait vous bloquer (la vanité est la calamité la plus répandue et la plus difficile à contrôler), je dois vous préciser que ce texte sur l’Eveil n’est pas de moi. Une partie est extraite d’un exposé de Sou-Tchien, 6e Patriarche du Chan s’adressant à un groupe de jeunes moines. Peut être, cette précision étant faite, relirez-vous ma chronique avec un peu moins de subjectivité.
En conclusion de ce qui précède, il faut donc bien comprendre les trois états classiques:

  • Dans le premier état, celui du sommeil nocturne, on a l’impression de vivre réellement ce que l’on rêve, mais lorsque l’on se souvient des rêves on reconnaît sans problème que ce sont des illusions.
  • Dans le 2ieme état, celui du sommeil diurne, nous sommes dans un état d’éveil légèrement hypnotique, peuplé également de rêves, que l’on pourra appeler pudiquement “idées fausses”, mais on admet difficilement ne pas être totalement éveillé.
    le somnambule, qui se lève, marche, parle (étrangement), donne une idée caricatural de ce 2e stade. De même que nous réaliserons avoir dormi en nous éveillant, nous constaterons clairement notre sommeil-diurne, notre état légèrement hypnotique, lorsque nous aurons un début d’Eveil (ce qui nous donne une pêche terrible pour poursuivre nos efforts).
  • Dans le 3e état, celui de l’Eveil total, l’Homme est en pleine possession de ses facultés. Il est perceptif, intuitif, attentif, vigilant, lucide, présent. Autrement dit, il a une conscience objective qui lui permet de voir la réalité en tout (ce qui n’a rien de surhumain) et de faire la chose juste, au moment juste, dans la circonstance qui nécessite cette lucidité, ou avec la personne juste, c’est à dire qu’il peut se comporter comme il le faut avec la personne qu’il faut. Parce que j’ai eu des réactions d’élèves sur le mot “juste”, si ce mot vous chatouille parce que trop proche de “justice”, remplacez le par “la bonne chose”, “au bon moment”, “la bonne personne”.

Cependant, en rester là sur mes explications concernant l’Eveil ne vous aiderait probablement pas beaucoup.
Comme vous avez du le remarquer, je m’efforce toujours d’être pragmatique pour que vous ne restiez pas sur votre petit nuage.

Par conséquent, soyons pratiques et nous verrons dans la prochaine chronique ce que Sou-Tchien entendait par “prendre une attitude physique et mentale favorisant la venue de l’éveil.
” Cette nuit j’ai rêvé que j’étais un papillon, et maintenant je me demande si je ne serais pas un papillon qui rêve d’être Confucius ”
Pensée allégorique déjà parue mais si extraordinairement ” éveillante ” et si en rapport avec cette Chronique, que je pense utile de la publier à nouveau. Elle est attribuée au célèbre K’ong-Fou-Tseu (Confucius V.551-479 av. J.C.)… et à une bonne dizaine de penseurs.


Sortir de l’état de Conscience Ordinaire.

Avec des moyens modernes, qui permettent de voir l’activité du cerveau (électrœncéphalogrammes, IRM, etc.) on a vérifié scientifiquement que ce qui était affirmé depuis des millénaires était exact : L’homme normal utilise en effet très peu, et même rarement, les capacités potentielles de son cerveau et passe la plupart de ses journées dans un état de sommeil hypnotique léger, dans lequel il rêve éveillé plusieurs fois par jour. C’est le plus commun des quelques dix états de conscience de base qui existent, tel que dormir, rêver, jouir, combattre (certains états de transe également). Sortir de cet état de conscience ordinaire et savoir utiliser à volonté nos autres états de conscience ne dépend que de nous. C’est ça l’Eveil. Il arrive que nous ayons des moments privilégiés où l’on se trouve dans un autre état de conscience que le sommeil éveillé, mails ils sont brefs, on en a rarement conscience, et comme ils ne dépendent pas de notre décision, on ne peut les retrouver à volonté.
Tout Homme non libéré est dans un état hypnotique léger, mais réel, parce qu’il n’a pas pleine conscience des éléments que ses sens lui permettent de percevoir.
Etre éveillé c’est donc essentiellement être perceptif, attentif, vigilant, présent, mentalement et physiquement.
Si vous vivez dans cet état hypnotique léger, il est bien normal que vous soyez, tout naturellement, tenté de nier être en sommeil éveillé. Le contraire aurait été étonnant. D’ailleurs vous vivez également vos rêves nocturnes comme s’ils étaient réels. Mais, dans vos rêves nocturnes, il vous arrive, de temps en temps, d’émerger et de constater que vous rêvez. En lisant ces lignes, je vous suggère d’émerger quelques minutes en reconnaissant que vous n’êtes pas toujours perceptif, attentif, vigilant, présent, comme vous le voudriez et quand vous le voudriez. On est d’accord ?
Bon, puisque nous admettons que nous pouvons mieux faire (comme disaient mes Profs à l’Ecole) alors admettons que cette imperfection vient de ce que, non libéré, nous sommes effectivement dans l’état de conscience où l’Homme non libéré est incapable de voir le monde extérieur tel qu’il est. Ne pouvant voir le Monde tel qu’il est, cet Homme non libéré se créé alors sa propre conception du monde extérieur et il en résulte que son mon intérieur est également faussé (puisqu’il l’a adapté à sa conception faussée du monde extérieur). Ce qui fait qu’au lieu de vivre, décider, agir comme il le faudrait par rapport au monde réel… il vit, décide et agit avec deux mondes faussés.
Pour Etre il pourrait apprendre ce qu’est le monde réel, ce que bon nombre d’intellectuels font, mais savoir et faire n’étant pas la même chose (et encore moins Etre), au mieux cet intellectuel pourra savoir les causes de ses malheurs, bien après qu’il aura commis ses erreurs dans son état de sommeil éveillé. Mais il commettra de nouveau les mêmes erreurs car il est incapable de tirer un enseignement de ses erreurs passées. Honnêtement, qui ne s’est pas dit, après avoir proféré des paroles définitives, ou après avoir pris des décisions qui se révélèrent catastrophiques : ” je n’aurais pas dû dire ou faire cela, si j’avais dit ou fait telle chose au lieu de cette bêtise, tout aurait été différent, le succès aurait été complet, jamais telle chose ne serait arrivée, etc. ”
Eh bien, être éveillé, c’est dire ou faire ” quand il le faut ” (ce peut être immédiatement ou juste au bon moment) ce qu’il fallait dire, ou faire, et qu’ensuite tout le monde dise ou se dise que l’on ne pouvait mieux dire ou faire, que cette parole ou cette action ce fut la raison de la réussite.
Car, soyez-en convaincus, comme dit le 7e Précepte martial (Wazawai wa getai ni sho zu = l’infortune vient toujours de notre propre faiblesse) si l’infortune nous tombe dessus, c’est toujours de notre faute, complètement de notre faute, et pas seulement en combat martial. Soyons logiques : lorsque l’on dort, et que l’on est somnambule, il est dangereux d’agir. Peut-on alors accuser les autres si l’on tombe dans l’escalier et parler de malchance si des emmerdes nous tombent dessus ?

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